L’écrivain Welbeck est autorisé à écrire de la grande littérature sans être “contrôlé” par l’essayiste Welbeck.
“Equipement, nucléaire, spatial : tous les secteurs de pointe, tous les lieux d’épanouissement naturel pour un bricoleur, qui lui a du même coup donné le CV idéal pour répondre aux promesses pré-électorales du président réélu. En effet, ce dernier avait abandonné les fantasmes de la « start-up nation » qui lui avaient valu sa première élection mais n’avaient objectivement conduit qu’à la création de quelques emplois précaires et mal rémunérés, dans un régime quasi esclavagiste au sein de multinationales incontrôlées.
Retrouvant les leurres de l’économie centralisée à la française, il n’avait pas hésité à proclamer, les bras grands ouverts, dans une pose christique (il a toujours su le faire, et maintenant mieux que jamais, les bras tendus il a formé un coin apparemment impossible, il a dû s’entraîner avec une prof de yoga, il ne pouvait pas faire autrement), lors de l’immense rassemblement à Paris par lequel s’était terminée sa campagne électorale : “Je suis venu ce soir avec un message d’espoir et je vais me taire les Cassandre de la misère : pour la France, aujourd’hui, les nouveaux Trente Ans Dorés commencent ! ».
Perspicace, provocateur, réactionnaire, hérétique, inconciliable, Michel Welbeck, le “mauvais” enfant des lettres françaises et du discours philosophique européen moderne, revient avec le livre “Extermination” récemment publié par Estia – presque tous les pays européens – traduit par George Karabelas.
Il est certain que le président de la France Emanuel Macron sera contrarié quand il le lira, s’il le lit, mais ce n’est pas la première fois. Welbeck ne le nomme pas mais le photographie et le décrit comme un homme politique autoritaire qui consulte certainement souvent Machiavel. Avec chaque nouveau livre de Welbeck en France, il y a un petit tremblement de terre. Voyez-vous, dans ses derniers romans, en excellent psychanalyste de la société occidentale, il “prophétisait” à la fois les attentats terroristes en France et les “gilets jaunes” et autres afflictions qui en découlaient.
Un gros livre de -654 pages – donc il est arrivé entre nos mains. Dès les premières pages on comprend que l’auteur est de nouveau dans son domaine littéraire de prédilection : la scène politique de la France. Et j’écris une arène parce que dans les pages d’Annihilation le terrorisme international se heurte de travers et de plein fouet aux services secrets, mais surtout le héros du livre, Paul, se « heurte » et se « damne » et toutes les personnes de son entourage déterminent .
La narration coule de source grâce à l’excellente traduction de George Karabelas qui connaît bien la pensée de Welbeck. Étrange comme, mais dans certaines pages du livre j’ai cru que l’enfant « en colère » de la littérature française s’adoucissait, s’adoucissait. Surtout dans le sexe, qu’il a toujours considéré comme un moyen de développement social, un outil sans émotion.
Bon, là aussi c’est parfois cynique, mais vers la fin ça nous est donné par une profonde émotion. Quelque part, j’ai senti qu’il s’approchait de Jonathan Coe, mais en dessous, il m’a fait allusion avec un bruit sourd qui m’a transporté à la vitesse de l’éclair dans l’univers de Welbeck avec les grands chemins existentiels souvent éclairés par les mots du marché.
Dans un futur pas trop lointain, comme dans ses autres livres, l’auteur voit une version beaucoup plus sophistiquée du terrorisme jouer à la haute technologie, politiquement plongée dans le narcissisme, la France quittant virtuellement l’Union européenne pour en faire une nouvelle révolution industrielle tous azimuts, laissant derrière lui ses partenaires, et dans ce sombre paysage d’histoires à tiroirs un homme essaie de se rappeler qu’il est un homme en reconstruisant sa vie. Il voit des cauchemars, pense au don de la vie, au cancer, à la mort et à l’incarnation.
Ce livre, plus que les précédents, a une écriture silencieuse, il ne veut ni impressionner ni provoquer, ce qui, je pense, le classe désormais parmi les meilleurs narrateurs de la littérature contemporaine. L’écrivain Welbeck est autorisé à écrire de la grande littérature sans être “contrôlé” par l’essayiste Welbeck.
Le mot de remerciement laisse – voilà un gros point d’interrogation – se terminer par une note positive sur l’avenir en disant que les écrivains français ne doivent pas hésiter à en savoir plus en s’enquérant de ce qu’ils écrivent, car beaucoup de gens aiment leur travail et sont heureux. expliquez-le à des non-spécialistes.
Cela de la bouche du caustique Welbeck pourrait ressembler à une gifle à ses pairs, mais cela pourrait aussi être vu comme un espoir dans un monde qui se considère comme autodestructeur. Beaucoup ont peut-être blâmé Michelle Welbeck – et parfois à juste titre – mais en fermant l’Annihilation on ne peut nier que nous avons affaire à un cas rare d’écrivain.
Inventif et pénétrant comme jamais, il envahit comme un autre Balzac la masse comme un boulet de canon et renverse tout.