“Apprenez un art et un travail, et si vous avez faim, faites-vous prendre”, pensaient les Français enfermés et bloqués chez eux en pleine pandémie. Ainsi, ils se sont assurés d’obtenir l’équipement nécessaire et d’apprendre un métier. Mais ils ne s’attendent pas à avoir faim. Ainsi, lorsque le gouvernement français a commencé à lever progressivement les mesures restrictives, beaucoup ont pensé à revenir à une “nouvelle normalité” en changeant d’orientation professionnelle et de moyens de subsistance, changeant finalement de mode de vie.
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Il est évident que beaucoup ont profité du temps libre soudainement offert par les incarcérations pour faire de douloureuses introspections et philosopher sur la vie. Les données du « Baromètre de l’artisanat », analysées par l’Institut supérieur des métiers en collaboration avec l’assurance professionnelle et des entreprises MAAF, sont révélatrices pour la France : en 2021, 244 740 nouvelles entreprises artisanales ont été créées, alors qu’en 2019 215 940 ont été créés.
Quelque 29 000 jeunes artisans professionnels de plus ont fait leurs débuts l’an dernier, soit 13 % de plus que d’habitude dans le pays de 68 millions d’habitants. S’adressant au “Figaro”, Jessica Gozzi, qui a ouvert un atelier de réparation de meubles en banlieue parisienne, explique pourquoi : “J’ai toujours voulu faire un travail manuel, précis et surtout ‘logique’. J’ai toujours été attirée par l’artisanat. Alors je me suis dit, si je ne le fais pas pour moi, pourquoi ne pas le faire pour ma fille ?
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Le Covid comme « accélérateur de décision »
Jusqu’à ses 34 ans, Jessica Gozzi a travaillé dans l’industrie du numérique. Pendant la pandémie, elle n’a pas perdu son emploi, elle a fait partie des télétravailleurs chanceux. Mais, comme elle l’avoue… “Je voulais laisser quelque chose derrière moi”.
“En 2021, le nombre d’ateliers-entreprises artisanales en démarrage a atteint un niveau record en France, atteignant 250 000”, selon la MAAF. Les données du « Baromètre de l’Artisanat » sont également confirmées par le lycée technique « La Bonne Graine – École d’Ameublement de Paris ».
“Le coronavirus a été un véritable accélérateur de décision, car il a beaucoup révélé aux jeunes sur la vie professionnelle. Le nombre de nouveaux professionnels du bois qui viennent chez nous pour faire leur apprentissage est désormais en hausse de 30% par rapport à la période pré-pandémique”, explique Lucie Tener, responsable de la reconversion à l’Ecole du meuble parisienne.
Du clavier au puzzle
Le professeur de français estime que les programmes d’aide sociale et d’accompagnement des travailleurs, promus par le gouvernement pendant la pandémie, ont joué un rôle important dans le virage que les jeunes Français opèrent vers les métiers manuels. Ce glissement explique aussi dans une certaine mesure le “Grand Abandon”, cet abandon impressionnant, majoritairement par les jeunes, des métiers liés à la restauration, l’hôtellerie et le tourisme.
Jessica Gozzi, bien sûr, a fait le grand saut pour abandonner l’écran, la souris et le clavier et s’emparer de la raboteuse, de la ponceuse et de la scie sauteuse. Elle n’est certainement pas la seule à avoir abandonné le col blanc pour porter le bleu. Il fait valoir, par ailleurs, que la pandémie a mis en évidence, entre autres, l’importance des “cols bleus” – travail manuel pour être plus précis.
« Pour moi, le Covid a donné un autre sens aux métiers manuels et une autre valeur aux artisans locaux. Les gens sont désormais prêts à passer à de nouvelles normes de consommation, préférant donner à l’artisan une chaise cassée à réparer plutôt que d’en acheter une nouvelle. place, les gens ont réalisé des impasses dans leur vie », explique le jeune ébéniste.
Le “côté romantique” de Covid
Thomas Sessini, directeur régional adjoint du développement économique et territorial à la Chambre de commerce et d’industrie (CMA) de la région parisienne (Île-de-France), analyse ce “côté romantique du Covid”, comme le reporter du “Figaro” écrit de manière caractéristique », Sybil Sastin.
« Covid a sensibilisé les gens. La crise sanitaire et les confinements successifs ont conduit de nombreux Français à se réorienter vers des métiers de passion. C’est ce que confirme le « Baromètre de l’artisanat ». Les membres de la famille se sont rapprochés et ceux qui avaient ‘un conjoint à côté’ ou un soutien psychologique, se sont aventurés dans une reconversion et un nouveau départ professionnel”, a noté Toma Cesini.
« Dans ce cas, Jessica avait mis de l’argent de côté pour financer sa transition d’employée de bureau à fabricante de meubles. Et le soutien de sa famille lui a donné une certaine sécurité”, note le journaliste du journal parisien.
Modèle de vie holistique
En conclusion, si la création d’entreprises artisanales a bondi de 13% dans l’ensemble de la France, c’est aussi dû à une autre tendance révélée par la pandémie : le désir des jeunes de quitter la vie des grandes villes et de s’installer à la campagne. ou du moins aux villes de province. Adopter un autre modèle de vie, plus “authentique” et… holistique, rejoignant par la même occasion un autre modèle de production, de consommation et de valeurs en général.
“En Île-de-France, le rythme de création de nouvelles entreprises artisanales reste constant dans le temps. En milieu rural, le ‘Baromètre’ a enregistré un bond du rythme de 23 %. C’est ainsi qu’une moyenne en hausse se forme”, observe Thomas Sessini.
Jessica est-elle une exception ? Pas exactement. Elle a ouvert son magasin de meubles à Mendon, à 10 kilomètres au sud-ouest de la capitale française, mais envisage bientôt de ranger ses outils de travail et son ménage pour déménager avec sa famille dans l’Ouest, à Nantes, près de l’embouchure de la Loire sur l’Atlantique.
“Je me sens enfin en phase avec mon destin et mes valeurs, pour donner un sens à ma vie”, déclare le jeune artisan du bois. Sur le site Web de son laboratoire, on lit une citation d’Albert Einstein : « Je sais pourquoi tant de gens aiment couper du bois. C’est parce qu’ils voient le résultat immédiat et tangible de leur travail.”